Quand je vivais des taux de change
Pendant plusieurs mois, j’ai gagné de l’argent en faisant du change. J’avais remarqué qu’à l’aéroport, le taux était meilleur qu’en ville. J’ai donc retiré 300 euros, le maximum autorisé par ma Mastercard, puis je suis allé acheter des pesos à l’aéroport. Le métro coûtait 2 pesos (environ 15 centimes d’euro à l’époque) et allait jusqu’au terminal 1. Je suis passé devant la trentaine de guichets, j’ai noté les taux, puis je suis revenu vers le plus avantageux. J’ai changé mes euros contre des pesos, puis j’ai repris le métro jusqu’à la banque Ixe, située dans la Torre Mayor, la plus haute tour de Mexico, située à quelques dizaines de mètres de chez moi. Là, j’ai changé mes pesos contre des euros, et on m’a donné 308 euros. Avec cette somme-là, je suis reparti vers l’aéroport, et j’ai recommencé l’opération. En deux allers-retours et environ trois heures de temps, j’avais gagné un peu plus de 16 euros. J’ai répété l’opération tous les jours (sauf le dimanche) pendant une semaine. Au bout de cette première semaine, j’ai pu à nouveau retirer 300 euros. J’ai donc changé un peu plus de 600 euros, et gagné non plus 8 mais 16 euros par transaction, soit 32 euros par jour. J’aurais pu le faire 3 ou 4 fois par jour, mais j’avais peur de me faire repérer. Je savais qu’un français s’était fait assassiné quelques mois plus tôt après avoir retiré de l’argent à l’aéroport. Je faisais donc attention à ne pas m’adresser toujours au même guichet, et je n’allais pas systématiquement à la banque Ixe de la Torre Mayor, quitte à y perdre un peu. Au bout d’un mois, ma petite combine m’avait rapporté un peu plus de 500 euros. Dans un pays où le salaire moyen était à l’époque de 200 euros environ (et celui d’un ingénieur d’environ 600), la prise de risque me semblait en valoir la chandelle. C’était une période où je ne travaillais pas vraiment car je cherchais un local commercial pour ouvrir une crêperie avec une amie française. J’ai donc continué, jusqu’au jour où j’ai appris par la jeune femme qui officiait au guichet de la banque Ixe, et que je commençais à bien connaître, que les opérations de change étaient désormais limitées à deux par semaine, et à un montant maximal par transaction de 6000 pesos (à peine 450 euros). Ce jour-là, j’ai fait mon petit calcul et j’ai décidé d’arrêter. Tel un voyou repenti, j’étais désormais rangé des bagnoles.